Introduction
La voiture de devant double le camion puis fait une embardée et vient frapper violemment le rail central, rebondie de l’autre côté de la chaussée, frappe le bord de la route, s’envole quelques instant en faisant un tonneau puis retombe sur ses roues. Le véhicule est dans un sale état quand nous finissons de doubler également le camion, on pense à la personne désarticulée que l’on a vu à l’intérieur.
200 m plus loin, un appel aux pompiers puis on reprend la route, ma covoitureuse et moi, sous le choc de l’accident que l’on vient d’être témoin. Il reste 1H de route avant d’atteindre St Vigor pour le départ de la Normandicat 2019…
La machine et le matériel
Le départ
J’arrive seul à St Vigor le Grand vers 18h30, peu de monde, et l’organisation n’est pas encore en place. La météo semble mitigée et de la pluie est annoncée pour cette nuit histoire de se mettre de dans de bonnes conditions dès le début.
Je rencontre Pascal Leduc, un nom sur un visage et un pseudo facebook, très sympa, on roulera ensemble sur cette 1ère étape.
Les participants arrivent au compte-goutte, Xavier, l’organisateur nous accueille, très sympathique, il y a de quoi grignoter et boire un coup avant de partir, mais attention pas une seule goutte bière au de cidre à l’horizon !
L’ambiance est différente des autres évènements d’ultra que j’ai pu faire, on est sur de l’ultra route, y’a du niveau, des gars expérimentés qui ont des kilomètres dans les pattes. Quelques anglais également. Les vélos sont typés route à fond, petits pneus, très peu chargé à côté de mon versatile en 38mm et ses 20 kgs. Mais je m’en fait pas, j’ai aussi les bornes et l’expérience, je compte bien pousser un peu les limites. Il y a également un groupe de 3 extraterrestres dont 2 en vélo cargo, chargé comme des mules, pétard à la main. Je ne donne pas cher de leur peau. Ils arriveront avant moi ces machines ! L’habit ne fait vraiment pas le moine.
22h, le départ est lancé pour une quarantaine de participants, 8 checkpoints et environ 900km. Au bout de 300 m, le peloton éclate et cela part dans toutes les directions ! Il n’y a pas beaucoup d’option, c’est soit vers l’est soit vers l’ouest. J’ai opté pour l’ouest car le vent doit tourner avec nous tout au long de l’épreuve. 1er CP à valider, c’est Portbail sur la côte ouest du Cotentin.
Je me retrouve donc seul au bout de 5 min, dans la nuit qui commence à tomber et la bruine qui commencer à mouiller. J’emprunte pistes cyclables et routes de campagnes vraiment plaisantes, le vent est acceptable, j’ai les jambes, tout va bien.
22h, le départ est lancé pour une quarantaine de participants, 8 checkpoints et environ 900km. Au bout de 300 m, le peloton éclate et cela part dans toutes les directions !
Un coureur me rattrape dans la nuit et me dépasse. Cela rassure un peu, je suis sur la bonne direction, la bonne trace. Sa lumière s’éloigne dans la nuit. L’ambiance est vraiment particulière, c’est la 1ère fois que je roule vraiment de nuit, longtemps. En général, j’évite car je ne suis pas à l’aise, un peu peur de l’accident mais au final, il n’y a personne, moins de monde et on voit les voitures arriver de loin.
Notre vision est vraiment réduite à ce cône de lumière devant nous, l’impression d’être dans un couloir, notre vision périphérique est réduite à néant mais quelque chose bouge soudain sur ma droite, un mouvement rapide, une tache blanche se rapproche sans bruit. Je tourne la tête et j’ai du mal à distinguer. Le chien se met à m’aboyer dessus lorsqu’il est au niveau de mes mollets. Il est arrivé furtivement, je lui crie dessus prêt à lui asséner un coup de pied. Dans ma panique, je me déporte complètement sur la gauche de la route déserte heureusement, je suis dans l’herbe, ma roue arrière part complètement en travers alors que le chien me course toujours, je récupère tant bien que mal la trajectoire, je ne chute pas, mes pneus récupèrent l’accroche du macadam. Je file et le chien me laisse enfin seul… Le cœur à 200, je me pose quelques centaines de mètres plus loin car ma lumière ne fonctionne plus… J’ai peur d’avoir abimer le système électrique lors de ma débâcle dans l’herbe mais non rien… La Vélogical est toujours en place mais il s’avère que la jante mouillée offre moins d’adhérence et par conséquent moins de jus. Faut que j’augmente la pression pour que la dynamo tourne.
Pendant que je règle le système, Pascal me rejoint et nous reprenons la route ensemble. Notre itinéraire longe la nationale N13 puis nous empruntons la voie verte qui nous amène jusqu’au CP1. Voie verte qui nous avait été déconseillé par plusieurs coureurs de par son état mais en fait, c’est un beau billard de gravier, idéal pour nos pneus un peu plus larges que les routiers. On file à travers le sous-bois puis on quitte la voie verte pour atteindre Portbail vers 1H30 du matin. Je m’étais donné 100km ou 1h du matin pour ne pas trop entamer la machine mais bon… On était si proche du CP que l’on a poussé. J’ai malheureusement crevé sur la voie verte et c’est sous gonflé que j’arrive au CP. Je peste car j’ai dû passé en chambre à air la veille, mon pneu tubeless ne tenait plus la pression alors qu’il avait traversé sans encombre la Bretagne un mois auparavant. Je dis à Pascal de ne pas m’attendre, j’ai pas envie de me sentir pressé ou de le retarder mais il reste tout de même et on repart ensemble. On retourne sur la voie verte et au détour d’un virage on se pose à côté d’une table de pique-nique. On déploie nos couchages respectifs et avant que l’on s’endort, je préfère préciser que l’on se n’attende pas demain matin. C’est un moment particulier pour chacun, on n’a pas tous le même rythme.
Jour 2 : vers l'Est
Pascal se lève à 5h et part rapidement, je mets un peu plus de temps à me réveiller et le temps de plier, de manger ma crème au chocolat et quelques barres, je pars vers 6h40. Le jour est bien levé, la nuit s’est bien passé, je n’ai dormi que 3h au final mais je me sens en forme. Je savoure mon nouvel achat, des jambières pour les matinées fraîches, vraiment nickel !
Je reprends la voie verte puis la quitte pour filer plein sud, direction Villedieu les Poëles. La bruine est toujours là, persistante mais les températures sont plutôt clémentes donc je n’ai pas froid.
Je m’arrête prendre un café et un ptit déjeuner à Courcy, un peu de répit sous cette pluie fine. J’avance bien, la route est plaisante, il n’y a pas de mauvaise surprise, je tiens une moyenne globale de 20 km/h.
De la route, de la campagne, de la voie verte à nouveau et me voilà à Villedieu les Poêles pour le CP2 devant la fonderie de cloche. Sur la grand place, j’aperçois Pascal. Il est au bout du rouleau, sa trace l’a emmené dans des chemins de terres, des sentiers impraticables et même des ruisseaux à traverser. Cela à bien entamer son moral et son physique, il pense déjà à abandonner. J’essaie de lui remonter le moral « prend un bon café, une bonne pause et repars ! »
Je le laisse donc et je reprends la route direction Fougères pour le CP3. Ma trace est plutôt bonne, pas de mauvaises surprises comme pour Pascal qui a tracé sur Bikemap.net. Komoot apparaît vraiment comme une des meilleures solutions pour tracer sa route. Je parle un peu vite car 500 m plus loin, la trace m’amène sur un ancien chemin envahit par la végétation. Cela passe mais en route ce n’est pas la peine, heureusement que j’ai des pneus larges.
Plus loin encore, le tracé me fait passer à travers une propriété privée. Le propriétaire me laisse passer gentiment mais me signale que j’ai eu de la chance, ses deux bergers allemands m’auraient bouffé comme il dit… Bon, je vais faire attention sur la suite du trajet !!
Fougères, magnifique ville fortifiée avec son château et son activité touristique. Pascal est déjà là, il m’a dépassé surement lors de ma pause déjeuner à St Hilaire sur Harcouët. Le service y était un peu long… Mais j’ai bien mangé !
Il n’y a pas que Pascal, il y aussi les vélos cargos qui sont déjà là ! Wow ! Je suis un peu dégoûté, les types doivent être vraiment des rudes machines, respect !
On repart ensemble avec Pascal, on fait un arrêt sandwich afin de prévoir la collation de ce soir puis on repart ! Très vite, je distance Pascal et au bout d’un moment je ne le vois plus du tout, je m’arrête quelques minutes mais je ne le vois plus, il était là y’a peu de temps pourtant ? Peut-être sa trace est différente de la mienne. Tant pis, je continue ma route et j’apprendrais plus tard qu’il avait cassé sa patte de dérailleur…
Le propriétaire me laisse passer gentiment mais me signale que j’ai eu de la chance, ses deux bergers allemands m’auraient bouffé comme il dit…
Fougères, magnifique ville fortifiée avec son château et son activité touristique. Pascal est déjà là, il m’a dépassé surement lors de ma pause déjeuner à St Hilaire sur Harcouët. Le service y était un peu long… Mais j’ai bien mangé !
Il n’y a pas que Pascal, il y aussi les vélos cargos qui sont déjà là ! Wow ! Je suis un peu dégoûté, les types doivent être vraiment des rudes machines, respect !
On repart ensemble avec Pascal, on fait un arrêt sandwich afin de prévoir la collation de ce soir puis on repart ! Très vite, je distance Pascal et au bout d’un moment je ne le vois plus du tout, je m’arrête quelques minutes mais je ne le vois plus, il était là y’a peu de temps pourtant ? Peut-être sa trace est différente de la mienne. Tant pis, je continue ma route et j’apprendrais plus tard qu’il avait cassé sa patte de dérailleur…
J’arrive à Carrouges, CP4, vers 20h avec 240 km au compteur. La météo a complètement changé depuis 12h, il fait beau et chaud !
La traversée du village de Carrouges conforte le choix d’avoir pris à manger avant de partir, c’est désert. Je quitte le village qui surplombe le magnifique château puis à travers la lumière qui décroit, lors de cette fameuse heure dorée, je sillonne la campagne mayennaise, ma terre natale.
280 km, je pose ma tente dans un champ qui jouxte une voie verte vers 22H. Je veux faire une bonne nuit, histoire de récupérer un peu, réveil à 5h demain.
Jour 3 : Record battu !
Réveil à 5h 30, la brume envahit le champ, le jour se lève, ambiance superbe.
En selle sur la voie verte, c’est reparti pour une grosse étape, j’espère atteindre le Tréport ce soir, dans 300km.
Une trentaine de kilomètres plus tard j’atteins la Chapelle Montligeon et sa superbe abbaye. Le soleil est juste derrière la bâtisse, c’est magnifique. Je m’arrête un peu, je mange un morceau et j’attaque la raide côte située derrière l’abbaye. Un bon gros raidar qui m’amène au pied d’un GR… Demi-tour, je passe par la route, un peu plus long mais je n’ai pas envie de risquer une crevaison. Le ciel est bleu, la chaleur commence à monter. J’arrive à Longy au Perche et j’aperçois un compatriote assis en terrasse. Yeux fatigués, grosses dreadlocks, un look différent de ce qu’on l’on peut s’imaginer. Une TCR et 2 biking man à son actif, le type est une machine. Très sympa, on discute un moment autour d’un café, il me raconte ses déboires, ses 20 cheeseburger en guise de ravitaillement, ses passages dans des chemins pourris, une trace préparée à l’arrache. Il est bien avancé tout de même puisqu’il arrive de l’Est, on se quitte et je reprends ma route pour le prochain CP : Gisors.
A l’approche du Tréport, le relief est plus marqué, de longues côtes entaillent les plateaux crayeux.
Route, campagne etc. Gisors arrive, selfie au pied du château et c’est reparti, direction le Tréport à travers le Pays de Bray que j’ai pu traverser plusieurs fois lors de mes visites familiales vers l’Ouest. Je croise de nombreuses villes que j’ai déjà pu traverser par le passé, notamment Beauvoir en Lyons ou la gérante de l’auberge m’avait gentiment accompagné en voiture pour aller acheter du gaz.
Auparavant, la trace me joue quelques tours, notamment un chemin qui n’existe plus et une voie sans issue parce qu’elle traverse une propriété privée. Je dois donc faire quelques détours, quelques kilomètres en plus. J’en profite ici pour dire que je suis aller modifier les cartes sur Openstreetmap.com, chacun peut le faire ! N’hésitez pas à les modifier pour améliorer la navigation etc.
A l’approche du Tréport, le relief est plus marqué, de longues côtes entaillent les plateaux crayeux. J’atteins Criel sur mer au soleil couchant et il me reste un petit aller-retour jusqu’au Tréport pour valider le CP en haut du Funiculaire malheureusement fermé. Superbe coucher soleil sur la Manche, le site, très touristique est plutôt animé. Je mets mes habits de nuit et je repars pour prolonger cette étape. Je veux battre me record de 310 km !!
C’est chose faite après avoir dépassé Dieppe, je jette ma tente dans un champ pour une courte nuit, il est 1h30, 330 km, réveil prévue à 5h30.
Jour 4 : Retour à St Vigor
5h30, je me réveil et je décolle pour la dernière étape de 210km, petite étape, le plus gros du dénivelé est derrière moi.
La météo est à nouveau superbe, ciel bleu et soleil au beau fixe. Je file vers la Seine et le fameux bac que je dois emprunter pour enjamber le fleuve. J’arrive à 8h30 au passage, pile à l’heure pour la traverser qui prend que quelques minutes. Je m’attendais à un petit bateau, c’est tout une embarcation qui peut prendre 5-6 véhicules d’un coup ! De l’autre côté, la trace est plate et j’en profite pour appeler le paternel pour lui dire que je passerai bien la soirée chez lui ce soir car je vais arriver bien plus tôt que prévu ! Malheureusement il n’est pas là ce soir… Dommage, heureusement que je n’ai pas fait la surprise !
Je ralentis un peu la cadence, je n’ai plus de raison d’arriver super tôt. Je sors de la vallée de la Seine par une bonne côte puis j’atteins le dernier CP, le Bec Hellouin où un participant du 400 km est là également.
La température commence à grimper, je me remets en route et je m’arrête à Epaignes pour un gros pique-nique à base de fruit et de légume. Cela fait du bien ! Je charge également mon camel avec de la St Yorre et de l’orangina, un bon cocktail pour les muscles et la récupération ! ça passe crème !
La trace m’amène petit à petit vers la côte et les derniers raidar près de Viller sur mer me mette dans le rouge, il fait une chaleur à crever ! Une fois le dénivelé derrière moi, je m’arrête manger une glace sur la plage d’Houlgate qui est bondée. C’est l’été. Je continue ensuite le long la plage, longeant les magnifiques villas normandes en bordure de mer. Mais c’est un véritable slalom entre les pietons et les véhicules, je n’avance pas !
La trace me fait passer par Bénouville par le pont levis qui est levé afin de passer de l’autre côté du canal de Caen à la mer. Puis je remonte vers Ouistreham et c’est le bazar total. Impossible d’avancer sereinement. Il reste que 30 km, je décide de changer et de passer par les terres, c’est la même distance sur de la route avec un peu de D+ mais au moins ça roule !
18h45, j’atteins la salle de St Vigor le Grand après 68h30 dont 12h de sommeil. Une belle expérience à nouveau où j’ai pu repousser encore mes limites, je me sens fin prêt pour les 3000 km de la Norvège.
Xavier nous accueille à la fin avec son équipe, plusieurs autres participants sont là, posés ça et là, les têtes fatiguées mais le sourire aux lèvres d’avoir bouclé cette épreuve ! On nous sert un bon repas bien copieux, au top l’organisation !
La plus dur aura été le retour sur Dunkerque, parti vers 20h, j’atteindrai ma demeure qu’à 4h du matin après 3 arrêts à dormir sur les aires d’autoroute…