Réveil tranquillou vu que le colis n’arrive qu’à 12h. On bouquine, on dort, on mange, on bulle, on se balade pas trop car on subit une succession d’averse et puis faut que l’on se repose ! J’en profite également pour faire le point sur le programme et la suite du trek. Nous sommes le 5 août, théoriquement on devrait arriver à Sigurdurskali ce soir, le refuge situé au pied du glacier Kverkfjökull, point de départ pour la partie glacier sur le Bruarjökull. Sauf que l’on a perdu une journée après le Landmannalaugar et que l’on perd ½ journée aujourd’hui. J’avais prévu de faire du stop de Drekki jusqu’au pont qui passe au-dessus de la Jokulsà A Fjöllum puis de marcher 2 jours dans le désert en passant à côté des montagnes de Lindafjöll. Si l’on poursuit comme prévu, on n’arrivera jamais à temps pour traverser le glacier dans la bonne fenêtre météo et l’on raterait notre rencontre avec Jeff. Je décide de court-circuiter toute la partie désert et de faire du stop jusqu’à Sigurdurskali, enfin de tenter… Au pire, on ira poser juste un pied sur le glacier pour voir ce que ça fait !
12h30. Le colis est enfin là et en meilleur état que le 1er ! Pourquoi -t-il été retenu si longtemps ?? Il n’y a pas de fuite apparente… Bizarre ! On ouvre notre cadeau et quel bonheur ! Tout est là et en bonne état ! Rien de cassé, bières intactes, saucisson au sec, juste un peu de lait déshydraté en vrac dans le carton. J’apprendrai plus tard de la part de Ragga que cette poudre blanche a attisé la curiosité des autorités à Reykjavik et qu’il leur a fallu 10 jours pour s’apercevoir que c’était du lait et non de la coke ! On apprend de nos erreurs, la prochaine fois on double le carton avec un sac plastique !
On fait la répartition des denrées, on fait les sacs puis on part se poster au carrefour pour tenter le stop…
On reste 4h accroché à notre carrefour… Non pas parce qu’il y a personne mais personne ne veut de nous… Il y a pas mal de monde qui passe, avec plein de place, mais ils ne veulent pas s’encombrer avec deux trekkeurs et leurs gros sacs à dos ! On tente notre chance sur le parking en allant voir directement les gens, Gégé met sa doudoune rose qui inspire confiance et part voir des français qui viennent d’arriver en Jeep. Ils sont ok pour nous déposer au prochain croisement mais après leur balade à Askja, ils nous prendront au retour. C’est déjà ça ! On n’est pas près d’arriver à Kverkfjöll…
Les rangers passent avec leur superbe 4×4 et s’arrêtent à notre hauteur ! Lueur d’espoir !? En fait, ils viennent nous interroger sur la suite de notre programme car Gégé avait évoqué la veille avec une des gardiennes que l’on allait tenter la traversée du glacier Bruarjökull. Soucieux de notre sécurité, ils nous demande si l’on a du matériel, je dis qu’on a corde, crampons, baudrier, balise de détresse, de la nourriture pour 5 jours, un GPS avec la carte topo du coin, et une carte topo papier avec les crevasses. Satisfait de voir que l’on est au taquet niveau sécurité, ils nous laissent à notre sort après nous avoir bien préciser qu’ils ne pouvaient pas nous déposer. Contrairement à ce que j’aurai pu penser, ils nous « interdissent » pas l’accès ni même nous déconseille d’y aller… Ils nous demandent seulement de se signaler à Sigurdurskali et au prochain refuge après le glacier. Ils ne sont même pas au courant de la situation sur le glacier… En même temps pour le nombre de pellos qui y vont chaque année…
On continue le stop… C’est long… Cela commence à me taper sur les nerfs. Je pars voir un groupe de vieux Islandais dans leur 4×4, je leur explique notre souci et notre destination mais ils ne sont visiblement pas ouverts à la discussion… Je repars résigner à mon poste en bougonnant et en filant un coup de pied dans un caillou… 10 min plus tard, j’entends quelqu’un siffler, je me retourne et l’un des vieux que je venais d’accoster me fais signe de venir. Il me dit qu’il veut bien nous déposer non pas au 1re croisement mais un peu plus loin ! Parfait ! J’interpelle Géraldine et l’on grimpe dans le 4X4 de nos Islandais ! Finalement, ils ont changé d’avis et c’est tant mieux ! C’est vraiment sympa de leur part !
Silence totale dans la voiture, seulement de la country américaine qui passe à la radio. Ils nous déposent rapidement au croisement de la F902. Le panneau indique 44km avant Kverkfjöll, on n’y sera pas ce soir si personne d’autre ne nous prends.
N’ayant pas d’autre choix que de marcher, on commence à attaquer la piste de sable. Autant sur la route précédente, on croisait un peu de monde, ici, il y a personne ! C’est mort de chez mort. En même temps c’est un aller simple pour le glacier et il est déjà tard, c’est la fin d’après-midi. Qui va aller dans cette direction à cette heure ?. D’ailleurs on croise 2 vans mais qui partent dans la direction opposée. Dommage.
Alors on continue à marcher face au vent froid qui nous cingle. Il n’y a pas un bruit mais plusieurs fois je me retourne en ayant l’impression d’entendre un moteur se rapprocher.
Cette fois ci c’est la bonne ! J’aperçois une jeep qui arrive. Je dis à Géraldine de rester au milieu de la piste et de faire semblant de ne pas les avoir entendus. On se retourne au dernier moment. Ils ont été obligés de s’arrêter ! Je regarde la plaque : française. Un couple de sexagénaire avec leur petite fille, je suppose…
« -Bonjour ! Vous pouvez nous aider ? Commençais-je
- Ça dépend, répondit l’homme avec un léger sourire
- Vous allez à Kverkfjöll ? nous aussi ! Est-ce que vous pourriez nous y emmener ? demandais-je en essayant de faire la tête du gars qui n’a pas envie de marcher 40 bornes.
- On va essayer, oui ! Nos enfants sont dans un autre 4×4 derrière nous, il y a une place également ! me dit-il »
On jubile ! On sera à destination ce soir ! On rattrape le retard ou tout du moins, on en prend pas plus !
Ses enfants arrivent, un gros 4X4 avec un couple de trentenaire et leur 2e enfant. Géraldine monte à l’arrière du 4×4 des grands-parents pendant que je prends place à l’avant du second 4×4 avec Nordal au volant, sa femme et leur fils Isaac. Ils sont super sympas, on discute tout le trajet, facilité par notre langue commune. Du vrai bonheur, du vrai partage, tout est fantastique dans ces conditions ! Nous roulons à travers un décor désolé mais somptueux surtout que le soleil perce la couverture nuageuse et ses rayons inondent les montagnes de Lindafjöll.
Nous arrivons au refuge de Sigurdurskali sous le soleil. Le refuge est situé juste devant le Kverkjökull qui recouvre la zone volcanique de Kverkfjöll, territoire connue pour son importante activité géothermique et ses grottes de glace. A l’ouest nous apercevons le glacier de Dyngjujökull, lobe glaciaire du Vatnajökull. A l’est, la vue est bouchée par une multitude de montagnes que l’on devrait traverser demain, et au-delà le glacier Bruarjökull, étapes cruciales de notre trek, le véritable enjeu et engagement !
Des mois de préparations, des heures à regarder les cartes et à lire et relire les récits de nos prédécesseurs qui ont bravé ce géant de glace. On se rassure, on ne pense pas au pire, on se rappelle les paroles de Bigfoot « le glacier est aussi plat que la poitrine de Jane Birkin « ou encore, « si tu tombes dans les bédières, c’est fini ! » Bref, hâte de se confronter réellement avec le monstre!
On ne perd pas de temps au refuge. Je rentre tout de même à l’intérieur pour voir s’il y a le gardien mais il est absent. Je ne cherche pas à le trouver de peur qu’il nous interdît d’aller crapahuter sur le glacier. On a envie de le voir, on veut s’y mesurer ! On prend donc la décision de marcher quelques kilomètres afin de faire un bivouac sauvage et de s’avancer pour demain, surtout que l’on n’a pas marché du tout aujourd’hui !
Il y a quelques sentiers balisés, on prend celui qui passe à proximité de Biskupfell, direction l’est ! 3 km après avoir quitté le refuge, nous trouvons un super spot avec une vue de fou sur le Dyngjujökull, le Trolladyngja et Askja. On plante la tente, on met les Lupulus (bières) dans la glace, on se fait un apéro chips et saucisson puis un bon ptit salé aux lentilles ! Parfait ! Avant de se coucher, je ressasse encore, j’appréhende la suite des évènements, je reconsulte les cartes, le GPS, je vérifie tout… Aller faut se coucher !
On s’endort vers 21h30 – 22h.